L’UST, le Subprime de l’écosystème crypto

Le 15 Mai, 2022
UST

Au petit matin d’un fort rebond technique, l’UST et Luna devant les portes d’Hadès 

On nous l’a tous répété comme un chant grégorien lors de notre arrivée dans les cryptos, “Diversifiez vos stables”. À l’époque, beaucoup d’entre nous ne voyaient pas le danger pensant que c’était le scénario apocalyptique que tout le monde craignait mais qui n’arriverait jamais, l’écosystème nous paraissait trop solide, trop résilient. À trop moquer nos aînés de la finance traditionnelle, nous répétons les mêmes erreurs.

Figure 1 :  Le cours du Luna après le krach de l’UST 

Tel un coup de tonnerre envoyé des cieux par Zeus, voilà que dans cette période de forte tension crypto-économique, l’UST et le Luna sont en chute libre, direction les enfers en s’attirant les Foudres de millions d’utilisateurs qui y étaient exposés, directement ou indirectement d’ailleurs. Malgré les nombreux articles publiés sur le sujet, nous allons revenir brièvement sur le depeg (dé-corrélation par rapport au dollar) pour mieux aborder le sujet des stables algorithmiques et décentralisés.

Le mécanisme du stablecoin algorithmique de Terra

Le stablecoin de Terra s’appuie sur le seigneuriage,  l’opportunisme des gros portefeuilles permet sa stabilisation grâce à l’arbitrage en espérant un retour à sa valeur référence. Basé sur la théorie des jeux, ce mécanisme est cependant risqué et le cercle vertueux peut vite se transformer en cercle vicieux. À l’origine, 1 UST peut être échangé pour 1$ de Luna et inversement, au moindre depeg il devient donc intéressant de voguer entre les deux tokens. Si l’UST descend à 0,99$ vous pouvez le burn pour 1$ de Luna,  une plus-value de 1% est réalisée (et idem dans l’autre sens), la supply de l’UST est réduite, le peg revient à la normal. C’est donc via un mécanisme de masse monétaire élastique que Terra va stabiliser le cours de son stable. Mais voyez-vous le loup dans la bergerie ?

Que me diriez-vous si en période de forte volatilité du Luna, le retrait d’UST était tel que les markets maker trouvent l’opération de plus en plus risquée ou que leur arbitrage ne suffisent pas à repeg l’UST ? Que le cocktail n’est pas assez épicé pour vos cerveaux cramés de degen ? Et bien saupoudrez le tout de FUD et de shorts massifs sur le Luna. Voici la recette du cocktail de l’apocalypse

Mais n’ayez crainte nous disait Kwon Do, (aka @stablekwon sur Twitter)  CEO de Luna, la Luna Foundation Guard a acheté 1,5 milliards de $ de BTC afin d’intervenir en cas de depeg trop important. Et paf, ça fait des chocapics, au lieu de contenir le risque au sein de leur propre écosystème, l’épée de damoclès pèse à présent sur tout l’écosystème crypto et DeFi. Ce tout petit milliard pouvait mettre à genoux le Bitcoin et j’estime que l’on s’en sort encore très bien vu le risque systémique que cela représentait

Figure 2 : Dashboard des réserves de la LFG 

Une “attaque” organisée ? 

7 mai, 22h UTC.  Un compte fraichement créé swap 85 millions d’UST en USDC via Curves Finance, premier depeg de 1,5%. Dans les 48 heures qui suivent c’est au total 285 millions d’UST qui seront dump, le protocole s’essouffle à repeg le stablecoin mais rien d’alarmiste encore, l’UST se stabilise à 0,995$ pourtant avec le marché crypto déjà au bord du gouffre, les plus avertis y voient le signal de trop. S’ensuit un mouvement de panique généralisée. La suite nous la connaissons tous, Terra perd 99,99% de sa valeur, L’UST touche les 0,05$ à l’heure où j’écris ces lignes. “Banqueroute” s’écrie Dechavanne sur le plateau de “la Roue de la fortune”.

Figure 3 : Une des première transaction provoquant le depeg initial de l’UST

On peut lire sur les sombres forums d’internet que l’attaque, à présent démentie, viendrait de Blackrock et Citadel, les deux plus gros hedge fund de la finance traditionnelle. Beaucoup de théories, peu de réponses sur les responsables de cette “attaque” comme le décrit Caetano Manfrini fondateur de Gemma retweeté par Kwon Do. 

Pour l’instant aucun élément ne permet de l’affirmer avec certitude, mais on peut aisément imaginer que l’arrogance de son créateur, qui m’était au défi les plus fortunés d’essayer de depeg son protégé, en ait titillé plus d’un

Quel avenir pour les stablecoins algorithmiques décentralisés ? 

Après ce bref retour sur les événements (pas du tout), il faut absolument enterrer l’idée des stablecoin algorithmiques décentralisés… C’est ce que j’aurais dit si j’étais un anti-nucléaire après le drame de Tchernobyl, mais je préfère l’idée selon laquelle aucune technologie n’est dangereuse par nature, que le génie humain saura, comme il l’a toujours fait, trouver des solutions pour la rendre antifragile aux imprévus ou aux attaques externes. 

Le rêve de décentralisation qui anime les cypherpunks que nous sommes ne doit pas s’en trouver terni à cause de ce malheureux événement qui pèsera lourdement sur les frêles épaules de l’écosystème. Mais comme le scandale Mt Gox a permis l’émergence de nouvelles solutions plus sécurisées et décentralisées, comme tous les échecs, celui-ci deviendra source d’apprentissage et sera forcément bénéfique d’un point de vue macroscopique pour l’avenir des cryptos. 

Je n’ai pu m’empêcher de faire un rappel au krach économique de 2008 dans le titre de cet article car j’y vois ici le même mécanisme : un emballement algorithmique provoquant un krach généralisé, opéré (pas nécessairement volontairement ici) par quelques acteurs sachant pertinemment les dégâts potentiels et irréversibles qui seraient causés. Hier, c’est le trading haute fréquence qui fût mis en cause, aujourd’hui un algorithme de supply élastique. Pourtant le trading HF ne s’en est pas retrouvé bannis de la finance, les régulations, par contre, sont tombées pour calmer le jeu et c’est sûrement ce qui nous attend du côté des stablecoins, la bérézina de l’UST servant déjà d’argument à la secrétaire de l’US Treasury, Janet Yellen, pour affirmer les dangers des stablecoins décentralisés. Pour en apprendre davantage à ce sujet, vous retrouverez l’article détaillé juste ici.

Le DAI gagnant, malgré lui, de la chute de l’UST ? 

Depuis son point bas ce Jeudi, le token de MakerDAO qui régit le DAI a bondit de plus de 80%. Les capitaux ont massivement migré vers cette solution ayant fait ses preuves à de nombreuses reprises, la confiance en la décentralisation n’est donc pas totalement perdue. Pourtant le mécanisme qui régit le DAI n’est pas si différent de celui de l’UST. Lorsque vous contractez un prêt chez MakerDAO, le protocole va générer de nouveau DAI à partir du burn d’une fraction de la supply du token MKR, lorsque votre prêt sera remboursé les DAI empruntés seront détruits pour créer du MKR. Un mécanisme qui rappelle celui de la création monétaire via la dette par les banques centrales mise à part peut-être que le DAI, lui, détruit vraiment l’argent imprimée (oof la balle perdue). 

Quelle différence alors avec l’UST ? La création de DAI nécessite un collatéral, il est donc “backé” contrairement à l’UST. Dans l’ancienne version du DAI, uniquement l’ETH pouvait être utilisé comme collatéral mais depuis la mise à jour du protocole celui-ci est devenu multi-collatéral, le BAT fût la première crypto à y être ajoutée, aujourd’hui c’est plusieurs dizaines de cryptos qui peuvent être utilisées. 

Cette mise à jour vient, en partie, en réaction d’une baisse de 50% de l’ETH qui avait provoqué énormément de liquidations sur le protocole, ainsi le risque est réparti sur plusieurs actifs contrairement à l’UST. Certes la LFG (Luna Foundation Guard) avait prévu un collatéral en BTC, mais celui-ci n’était pas inclus dans l’algorithme de stabilisation, il servait juste de trésorerie en cas de depeg critique, spoiler : en plus de provoquer une pression vendeuse énorme sur le Bitcoin, entraînant tout le marché avec lui, ça n’a pas suffit.  

Les cryptos, si vigoureuses qu’elles en oublient leurs crédo 

Ah les crypto, la rédemption ultime contre la FED, seul moyen de vaincre le “brrrr” intenable des banques nous jetant dans le gouffre de la singularité inflationniste. Jolie crédo, mais pas toujours ! Certes le principe même du Bitcoin est d’aller à l’encontre de cela avec son inflation logarithmique (qui se divise par 2 à chaque halving) limitée à 21 millions de tokens et son whitepaper aux lois sages, mais la crypto-sphère commence à en oublier les fondamentaux.  

Outre son aspect algorithmique ne proposant aucune autre réserve de valeur que le Luna lui-même, ce qui a vraiment enterré l’UST, c’est le rendement sur le protocol Anchor à 20%. La masse monétaire créée via Anchor était bien trop importante pour être supportée uniquement par le Luna. La capitalisation de L’UST devenant de plus en plus importante, la moindre étincelle de depeg pouvait enclencher une inflation exponentielle du token Luna, impossible dès lors de retrouver le peg. Si il y a bien un seul élément à retenir de cette fin macabre c’est celui-ci. Un rendement à 20% ne peut se nourrir autrement que via l’adoption massive ce que l’UST avait déjà atteint, ce n’est pas pour rien que tous les rendements de la DeFi sont indexés sur la masse monétaire présent sur le smart-contract en question. C’est aussi pour cela que Crypto.com se devait de réduire son cashback et ses récompenses de stacking, avec l’adoption massive de leurs cartes, la distribution de son token aurait été intenable pour les 17% de supply encore disponible à la création et aurait vidé leur trésorerie. 

Loin de moi l’idée de faire mon vieux ronchon Bitcoin maximaliste, mais c’est une leçon que l’écosystème doit absolument retenir au risque de ne devenir qu’une pâle réplique cryptographique de leurs homologues fiduciaires. Si l’on veut éviter que les cryptos soient qualifiées à tort de Ponzi, encore faudrait-il ne plus en singer les mécanismes comme l’a fait Luna. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, le stacking est énormément bénéfique pour le dynamisme de l’écosystème, mais poussé à l’extrême comme moyen marketing, il peut se révéler néfaste voir… destructeur. Une inflation maîtrisée ne peut créer de la valeur sans une masse monétaire injectée plus importante que cette dernière. 

Les stablecoins algorithmiques et décentralisés ont énormément de potentiel devant eux, que ça soit en tant que passerelle entre crypto et fiduciaire, qu’en termes d’adoption. Le mécanisme de L’UST était certes bien pensé, mais pour être viable à long terme, toutes ses composantes doivent être millimétrées et pensées pour toutes les situations même les plus extrêmes. Mon âme de physicien me chuchote que c’est un problème de thermodynamique économique peut-être trop complexe pour être applicable à un système aussi erratique que les cryptos.

Il ne reste plus qu’à voir ce que proposera l’USDD de Tron et l’USN de Near, mais avec un rendement initial respectivement de 30% et 20%, si les deux nouveaux stablecoins ne révisent pas largement leurs stratégies et n’apprennent pas des erreurs de Terra, je crains que l’histoire ne fasse que se répéter

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